On peut l'apercevoir du pont de Warschauer.
Une grande roue, statique.
C'est le symbole du SpreePark, parc d'attractions abandonné depuis plus de 10 ans.
Un dimanche d'Automne, Bubulle nous convainc d'aller s'introduire dans l'endroit.
Parce que oui, défense d'entrée étant donné la vétusté du lieu.
Après avoir longé la clôture, nous trouvons un endroit approprié pour la traverser.
Pas de garde en vue.
Sans savoir que l'entrée se trouve en fait à l'opposé, nous nous enfonçons dans les bois.
Après quelques minutes de marche à se frayer un chemin dans la végétation dense, nous tombons sur un wagon renversé.
Nous apercevons des rails sinueux que ce dernier parcourait jadis inlassablement, absorbés après quelques mètres par un sombre tunnel.
Probablement le trajet d'un ancien train fantôme
Nous nous engouffrons dans le passage obscur non sans un tumulte de bruits dont l'origine reste inconnue.
Peu rassurés, la lumière de nos téléphones éclaire péniblement l'emplacement de nos pas à venir.
A sa sortie, un marais aussi dense qu'épais ressemble à un green prêt à accueillir une partie de golf.
Nous continuons notre chemin ferroviaire tout en croisant les vestiges sinistres des attractions perdues.
Pour une atmosphère de film d'horreur, c'est inégalable.
Un cygne s'enlise inexorablement dans les profondeurs verdâtres d'un étang qui croasse.
Un dinosaure gît au sol aux côtés de ses pairs comme si leur extinction préhistorique venait tout compte fait de se dérouler quelques années auparavant.
Des bateaux de pirates transpercés par la moisissure parviennent à se maintenir à flot mais partir à l'abordage semble dorénavant compromis.
Soudain, un crissement assourdissant nous assaille.
Alors que nous marchons pour identifier la source de ce vacarme, la grande roue, jusque-là masquée par la végétation, dévoile sa terne splendeur.
Relancés par le vent pour quelques tours d'honneur supplémentaires, les rouages de cette gigantesque masse de ferraille s'exécutent dans un supplice hurlant.
Trônant jadis telle une reine au centre de ce parc de gaieté, elle arbore désormais une figure sépulcrale et agonise, mélancolique de ses années de gloire révolues.
Comme elle si reprenait vie l'espace de quelques minutes, elle agite ses cagettes dans un ballet endiablé, rythmé par les heurts saccadés des mécanismes rouillés comme pour protester contre son statut déchu.
Hypnotisés, nous hésitons inconsciemment à accepter l'invitation de cette attraction d'outre-tombe.
La perspective d'une vue imprenable est vite submergée par la vision angoissante d'un arrêt foudroyant et définitif de la cabine suspendue à des câbles décharnés, 30 mètres au dessus du vide.
Arrêt synonyme de panique dans cette cavité menaçant de s'émanciper à tout moment.
La raison l'emporte sur le fantasque.
Nous quittons cet incroyable endroit alors que la grande roue poursuit son chant funeste et implorant.
J'apprendrai plus tard que des guides auto-proclamés profitent de l'occasion pour organiser des visites guidées en petit train plutôt onéreuses.
Je recommande une découverte aventureuse et non planifiée en soirée qui sera sans aucun doute bien plus saisissante et singulière.